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Mon beau miroir

«On n’est jamais mieux servi que par soi-même». Je connais l’adage, je l’ai fait mien.

 

Je suis passée maître dans l’art du selfie. Je connais mon meilleur profil à force de l’avoir cherché dans mon rétroviseur.

Je fais partie de ces pestes narcissiques qui se tirent l’auto-portrait dès qu’elles estiment qu’elles sont plutôt à leur avantage. Un nouvel eye-liner, Bim, je te le montre sur Instagram, une salle de danse, et Paf, je te prouve que je suis aussi cette fille-là, une sape  qui m’enlève trois kilos et Wizz, je trouve un miroir en pied et je me shoot en entier.

 

Quand un autre que toi te photographie, tu prends toujours le risque de loucher, d’être flou ou boutonneux. Tu prends toujours le risque d’être toi en fait. Le vrai toi, la vérité toute nue exposée au grand jour, l’âge, le poids ou la soirée de la veille gravés dans le marbre jusqu’à la fin de tes jours.

 Je suis phobique de la vérité. Les aspérités du quotidien, les esprits froissés, les larmes et la morve, les mauvaises pensées, les petites méchancetés. Je préfère croire, dans toute ma naïveté, que la jolie surface est un tout, que le laid n’est qu’une vague idée, un chemin parallèle dans lequel évoluent les autres. Mais pas moi. 

 

Un psy me dirait que j’ai manqué de confiance en moi quand j’étais enfant, qu’on ne m’a pas assez complimentée ou que je cherche, dans le regard de l’autre, une reconnaissance particulière. Peut-être que c’est vrai. Ou peut-être que je suis juste une détestable égocentrique. 

 

Je veux prouver, à grands coups d’images, que je ne suis pas un être humain banal. C’est grave docteur... Mais, je crois que plus que vous, c’est moi que je veux convaincre. Ma vie est pleine de beauté. En tout cas, j’essaie de faire en sorte qu’elle le soit. A force d’améliorer le réel, de ne passer à la postérité que des morceaux choisis, il semblerait que le laid ait disparu de mon existence. 

 

Quelle erreur ! 

 

«Notre vie est une coquette si laide qu’on n’ose la regarder en face de peur d’être effrayé.»*

 

Je ne montre jamais mes auto-portraits à l’Homme. Je sais très bien qu’il me dirait, sur un ton moqueur, que je m’aime terriblement, que je me la raconte grave. Les seuls que je n’essaie pas de séduire sont, évidemment, ceux qui m’aiment déjà. Et ce, malgré la vérité toute nue, malgré les plaies et les bosses, malgré mes mauvais côtés. Ne m’aime vraiment que celui qui me connaît. Vous ne me connaissez pas. Mais vos gestes amicaux balancés du bout de votre index sur vos écrans froids et les témoignages d’amour virtuel sont un encouragement continu à embellir ma vérité. Parce qu’on n’aime rien tant que de s’évader, le doux rêve d’un monde plus beau, d’un monde plus drôle, d’un monde bienveillant, juste là, sous nos yeux.  

 

J’ai la prétention de croire que je suis la fille Next Door, celle à laquelle tu peux t’identifier. J’ai envie de te montrer de jolies choses pour que tu comprennes que si moi j’y arrive, c’est que c’est aussi à ta portée.

 

*Xavier Forneret

Tag(s) : #5 Minutes au Grenier

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